L’assurance dans la couverture et la prévention des catastrophes

La récente pandémie de Covid-19, la situation géopolitique liée à la guerre en Ukraine, la monté de l’inflation, et la crise endémique du réchauffement climatique : les enquêtes de conjoncture et les sondages montrent la croissance du sentiment de vulnérabilité des Français dans ce contexte de « polycrise », avec une attente forte que les assureurs apportent (une partie) des solutions (ELABE 2023). Tout aussi forts cependant sont les défis auxquels les assureurs doivent faire face : professionnels de la quantification des aléas mesurés statistiquement sur des observations passées, ils ont historiquement écarté les catastrophes comme ce qui échappe à la modélisation et, par conséquent, à la couverture assurantielle. Durant la crise de Covid, d’autres points de polémique sont apparus quant à la notion de catastrophe : on se souvient notamment des débats autour des pertes d’exploitation qui, du point de vue du commerçant, relevaient de son assurance dommage alors que la plupart des assureurs ont mis en avant l’absence d’aléa lorsque l’Etat décide de la fermeture des commerces.

La question de l’assurabilité des catastrophes n’est cependant pas nouvelle. L’histoire récente de l’assurance démontre qu’il a fallu attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour que certains pays au moins embrassent des mécanismes assurantiels pour indemniser les populations des dommages dus aux catastrophes naturelles. En France, le régime CatNat a été établi en 1982 en associant les assureurs et l’Etat par l’intermédiaire de la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), réassureur public adossé à la garantie de l’Etat, qui réassure l’ensemble du marché. Le régime est fondé sur les principes de solidarité et de responsabilité : la solidarité nationale trouve son expression dans une surprime unique indépendante du risque couru, tandis que la responsabilité renvoie aux mesures de préventions que doivent prendre les parties.

Ces mécanismes permettent de faire face à deux enjeux : celui de l’extension des risques (selon les dispositifs, le spectre des risques couverts sera plus ou moins large) et celui de l’inclusion des populations (tous ceux qui sont exposés aux risques seront-ils assurés, ou seule une partie d’entre eux ?). En France, le régime CatNat propose une couverture des risques catastrophiques sans en limiter la liste, ce qui laisse ouverte la possibilité de répondre à un risque nouveau, défini par arrêté comme relevant de ce régime. Le système est par ailleurs parmi les plus inclusifs en termes de population couverte puisque la presque totalité de la métropole en bénéficie via l’assurance multirisques habitation (MRH). Il est aujourd’hui mis à mal par une série d’évènements qui fragilise son équilibre financier. Dans son Rapport au ministre de décembre 2022, la CCR mentionnait parmi les mesures d’adaptation envisageables le renforcement de la prévention, l’ajustement des critères de reconnaissance pour mieux cibler les événements « rares » et une éventuelle augmentation de la surprime (CCR 2022). Tous ces éléments sont au cœur de notre projet de recherche, dont nous donnons ci-dessous les axes principaux tels qu’identifiés à ce jour.